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Sororité made in Épinay

Quand, en 2015, nous avons lancé aux ateliers henry dougier notre collection de journaux basée sur des ateliers d’écriture, notre cible était les jeunes des quartiers. C’est en effet à eux que nous avons pensé en priorité, tant leur image est stigmatisée, et leur parole peu audible. Dans la plupart des cas (nous avons à ce jour publié dix opus « Nous, jeunes des quartiers »), ils se sont prêtés au jeu de la rédaction avec envie, soucieux de partager leur quotidien et leurs problématiques. Pour faire bouger les lignes…

Et puis, en 2020, lors d’une rencontre organisée par la communauté d’agglomération Plaine Commune avec les chargé·e·s de mission « politique de la ville », une idée a émergé : donner cette même opportunité aux femmes des quartiers. Il se trouve que quelques mois plus tôt j’avais croisé la route de l’association Forma Web – qui forme tous les publics à l’utilisation d’un ordinateur, à la bureautique, à la création d’un site web, etc. –, située à Épinay-sur-Seine (93). Sa coordinatrice, Sonia Joly, m’avait parlé d’un groupe de femmes très actives dans le quartier des Presles, avec lesquelles un projet de site web avait été évoqué. Je devais les aider dans la rédaction des articles. Le covid en a décidé autrement. Qu’à cela ne tienne, nous ferions un journal !

Nous avons commencé à y travailler en septembre 2021. Autour de la table, elles sont six. Certaines se connaissent, d’autres pas. Chacune prend la parole pour évoquer les thèmes sur lesquels elles ont envie d’écrire. L’une d’entre elles est réticente (« Je n’ai pas d’idée »), d’autres sûres de leur choix. D’autres encore tâtonnent. On y parle beaucoup d’enfants, d’éducation. Mais pas seulement. L’ambiance est gaie et décontractée. On se quitte avec une ébauche de sommaire.

Quelques jours plus tard, je commence à recevoir les premiers textes. Deux sont presque finalisés, d’autres nécessitent encore un peu de travail… Mais tous sont touchants et justes, écrits avec les tripes : S. décrit son combat aux côtés de sa fille autiste, K., relate sa peur que son fils soit « enfermé » dans le quartier, S. pousse un coup de gueule contre l’évolution d’Internet, toujours plus polluant et commercial, etc. On est dans le partage des expériences, des émotions, des passions. On est pile là où nous voulions être en imaginant ce concept de collection.

Il n’aura fallu que quatre séances pour finaliser le journal, dont une réservée à l’iconographie. D’autres femmes du quartier se sont greffées au projet, apportant leur part de dynamisme et de savoir-faire, en matière d’illustration notamment. Ces rencontres furent de purs instants de plaisir, à la fois studieuses et joyeuses, conviviales et profondes. Car les textes ont révélé des blessures et des colères, mais aussi de petites victoires face à l’adversité, et de grands enthousiasmes.

À chaque rendez-vous, nous partagions des chocolats ou des pâtisseries. Et c’est aussi le souvenir que je garderai de ce travail : des moments doux et sucrés. Des moments de sororité !