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Journalistes en résidence

En 2011, Jérôme Bouvier, ancien directeur de la rédaction en français de RFI, me demandait d’animer un débat aux Assises du journalisme sur une idée qu’il avait en tête depuis longtemps : adapter les résidences d’artistes au champ des médias et de l’éducation à l’information. Dans mon souvenir, le concept avait intéressé. Il sera mis en place quelques années plus tard quand Jérôme deviendra, en 2015, conseiller de Fleure Pellerin, alors ministre de la Culture. Ces résidences, qui se déroulent essentiellement sur des quartiers prioritaires (labellisés politique de la ville), ont pour vocation de venir en soutien à des projets portés par les territoires afin d’accompagner l’émergence  de journaux, blogs, webradios, etc, de les professionnaliser si besoin, de mener à bien des actions de formation à l’écriture journalistique et d’éducation aux médias. A noter que, contrairement aux artistes en résidence, les journalistes ne vivent pas sur les territoires auxquels ils sont rattachés. Une résidence dure au minimum dix mois. La plupart sont renouvelées.

En 2018 /2019, une quinzaine de résidences ont été mises en place en Ile-de-France, dont la mienne. J’ai choisi Stains, en Seine-Saint-Denis, car j’y avais déjà des contacts. La DRAC, qui gère le dispositif, y a ajouté Epinay. Depuis septembre 2018, je sillonne donc ces deux villes à la rencontre des différents acteurs susceptibles d’utiliser mes compétences au service de leurs projets : un conseil citoyen ou un centre de loisirs désireux de créer un journal, un conseil municipal des enfants souhaitant ouvrir un blog relatant leurs activités, des professeurs travaillant sur les fake news avec leurs élèves, des médiathèques m’associant à des projets menés avec des classes (couverture de la rencontre avec Gauz à Epinay par exemple), etc. Il y eut aussi une animation d’une rencontre publique dans le cadre du grand débat national et ma participation à un jury Sciences po au lycée Utrillo dont j’ai déjà parlées dans ce blog.

Après neuf mois de présence sur Stains et Epinay, je suis convaincue de la pertinence du dispositif parce qu’il s’inscrit dans un temps long – élément indispensable pour instaurer la confiance et faire émerger des projets -, mais aussi parce qu’il rend possible de vraies rencontres entre habitants des quartiers et journalistes. Quand j’interviens auprès de jeunes notamment, nous pouvons débattre du traitement souvent caricatural des banlieues dans la presse, mais aussi de l’amour du métier et des raisons pour lesquelles je l’ai choisi. Le journaliste redevient une personne et non plus un acteur désincarné du système médiatique. Les bases d’un dialogue constructif sont alors posées.

Bien sûr, un tel dispositif ne va pas sans frustrations : un projet de journal avec des jeunes commencé et non terminé, sans explications, un autre qui peine à émerger, des acteurs de terrain tellement pris par leur quotidien qu’imaginer une collaboration semble au-dessus de leur force, etc. Mais, si la résidence est reconduite un an, ce que j’espère, le labourage du territoire effectué en année 1 portera ses fruits.

Reste un travail de fond à mener pour mieux valoriser ces résidences de journalistes et faire reconnaître par la commission de la carte de presse ce temps dévolu au quartier et à l’éducation aux médias.