Collection « Nous, jeunes » : des journaux pour libérer la parole
Donner la parole aux jeunes de quartier, encore trop souvent stigmatisés et discriminés, c’est le projet de la collection de journaux « Nous, jeunes », initiée par la maison d’édition associative, les ateliers henry dougier, et dont j’assure la coordination. L’idée est née suite à l’attentat contre Charlie Hebdo en janvier 2015. La France réalise alors à quel point le fossé s’est creusé entre la République et une partie de la jeunesse des quartiers populaires qui suscite aussi bien de la peur que du rejet. Depuis, le fossé n’a fait que grandir. Aux ateliers henry dougier, notre travail, c’est de créer des passerelles entre des franges de la population qui se jugent ou s’ignorent. Face à ce clivage de plus en plus criant et de plus en plus nocif pour notre démocratie, nous avons donc opté pour la seule arme à notre disposition : la communication. Tendons le micro à cette jeunesse et écoutons ce qu’elle a à nous dire, sans idées préconçues, sans censure (dans les limites de la loi bien sûr) et sans filtre. Notre idée : aller à sa rencontre, lui proposer des modes d’expression, l’accompagner dans sa prise de parole et rendre possible la diffusion de ses messages.
Pour atteindre tous ces objectifs, le support papier — un journal plié de 16 pages — nous a semblé le plus approprié. Un journal pour créer une unité et rassembler les jeunes autour d’un projet commun : donner vie collectivement à une publication grâce à des rencontres régulières partagées entre conférences de rédaction, écriture, correction et travail collectif sur l’iconographie, le tout accompagné par des professionnels de l’information, de l’image et de l’édition. L’occasion pour les jeunes de se familiariser avec la fabrication d’un journal et pour nous d’associer l’éducation aux médias à la production d’un « 16 pages ».
Lancé en 2015, le concept a égrené depuis aux quatre coins de la France (voir ci-dessous). Comme nous en avions l’intuition, les jeunes ont souhaité traduire en mots et en images leur vécu au quotidien dans ces quartiers, partageant leurs joies, leur souffrance, leurs espoirs, leurs préoccupations aussi d’une jeunesse comme les autres. Ce faisant, ils ont pris goût à l’écriture et partagé avec fierté ce journal « papier » qui donne de la valeur à leurs mots. Ainsi, Jeanine, de Corbeil (91), m’a confié : « Le fait d’écrire et de savoir que ce sera publié quelque part, on se sent écouté. Quand j’ai vu le journal, j’étais fière de moi. Je pense que c’est un pas de plus pour comprendre les jeunes ayant grandi dans les cités. ». Ou encore : « Grâce à cette expérience, je me suis découvert un goût pour l’écriture ; j’ai pris confiance. Et ça m’a donné envie de recommencer », a dit Nad, de Stains (93), après avoir écrit son texte.
Les journalistes qui accompagnent le processus de création de ces journaux ne sont pas en reste de jolis témoignages suite à cette expérience. Ainsi, Elsa, qui a coordonné le numéro réalisé au Breil, à Nantes, m’a écrit : « C’est extraordinaire de les voir prendre confiance en leurs capacités, à écrire et surtout à transmettre. On part de « je ne sais pas faire, je ne sais pas écrire, je n’ai rien à dire », et on finit avec des sujets d’opinion, de connaissances où ils ont réellement quelque chose à apprendre au lecteur. Et à dire. Leur voix compte. Et c’est formidable quand ils en prennent conscience. »
Pour donner vie à la collection, nous avons tout d’abord noué des partenariats avec des structures de proximité, en charge de trouver les jeunes volontaires et de nous apporter une aide logistique : une mission locale à Corbeil (91), une association à Stains (93), un café des jeunes à Villeneuve-Saint-Georges (94), un club de prévention à Dunkerque (59), un centre social au Neuhof à Strasbourg (67), à Bagnolet (93) et au Breil à Nantes (44)… A noter que la collection s’est depuis enrichie de titres réalisés avec des jeunes de lycées professionnels, des jeunes migrants, des jeunes placés, des seniors vivant en EHPAD… Elle est distribuée dans les villes concernées à 1000 exemplaires en moyenne.
Pour en savoir plus : http://ateliershenrydougier.com/nous_jeunes.html
Pour nous contacter, si vous souhaitez que nous intervenions dans votre ville : henry.dougier@ateliershenrydougier.com