Tout le monde est essentiel
Le 18 mars dernier, une flashmob était organisée devant le théâtre de l’Odéon, pour sensibiliser aux difficultés du monde du spectacle. Une vidéo a capturé cet instant magique malgré la lourdeur de la situation. Nous sommes en pleine troisième vague et les lieux culturels sont fermés depuis des mois. Des intermittents ont souhaité marquer le coup, entonnant trois chansons choisies pour l’occasion : The sound of silence, de Simon and Garfunkel, Mourir sur scène, de Dalida, et Show must go on des Queens. D’abord seul avec sa guitare, un jeune homme entonne la première chanson, rejoint par d’autres chanteurs et musiciens puis des danseurs. Au loin, quelques pancartes se lèvent : « Culture sacrifiée » ou encore « Tout le monde est essentiel ». Cette vidéo me tire les larmes à chaque vision. La beauté des voix, le sens des paroles, la force des messages… tout est émotion. Et tout est juste.
Je me souviens avec précision ce que j’ai ressenti quand il y a un an j’avais déambulé dans une galerie, découvrant des artistes et leurs œuvres avec des yeux grands ouverts, réalisant à quel point cela m’avait manqué (les musées affichaient portes closes). J’ingurgitais la moindre sensation, restant longtemps devant chaque tableau ou sculpture, pour me remplir, combler le vide que cette absence d’art avait laissé, sans que j’en prenne conscience. Et que dire du retour de la fête du quartier en septembre où nous avons pu danser au son d’une batucada qui a mis le feu à nos rues tranquilles.
Et puis, ces derniers jours, je suis retournée au cinéma et au théâtre après de longs mois sans avoir gouté à ces plaisirs si particuliers. J’ai d’abord été voir une pièce de Robert Wilson, I was sitting on my patio this guy appeared I thought I was hallucinating. Un texte sans queue ni tête donnant lieu à une mise en scène visuellement irréprochable mais d’où l’émotion a été quelque peu bannie. On peut en dire autant du jeu des acteurs, même s’ils tiennent leur rôle à la perfection. Et pourtant, au moment des applaudissements, j’ai été saisie. La joie de retrouver ce face-à-face si particulier entre des comédiens et leur public, le manque, soudain comblé, de ces instants hors du temps.
Une semaine plus tard, je me lovais dans d’autres sièges rouges, ceux du théâtre Montparnasse où se joue Marie des poules, l’histoire de la gouvernante de George Sand, magnifiquement interprétée par Béatrice Agenin. Ou comment une fille de la campagne tente de s’élever dans la société via l’éducation… sans y parvenir. J’en ai pleuré tant les comédiens sont excellents et le propos édifient.
Enfin, je suis retournée au cinéma voir Tralala, une comédie musicale des frères Larrieu au casting impressionnant… mais dont la profondeur (ou l’intérêt) m’a échappée. Peu importe, j’étais ravie d’être à nouveau engloutie dans l’obscurité d’une salle de cinoche, là où j’ai vécu tant d’émotions, découvert tant de talents. Tout comme j’ai pu le faire dans de nombreux théâtres. Des moments qui ont contribué à m’élever, à me construire, à comprendre, à mûrir… Des moments ESSENTIELS !
Pour voir la vidéo de la flashmob : https://www.facebook.com/watch/?v=283734710034246