Quand un terrain de trois ans s’achève…
Novembre 2019, Cité du refuge à Paris. La Fédération des centres sociaux et socioculturels de France (FCSF) lance un projet ambitieux pour lequel elle a obtenu un important soutien financier de l’État : déployer sur le territoire des Réseaux Jeunes locaux. Explication : depuis 2012, la FCSF organise une fois par an un Réseau Jeunes national soit le rassemblement sur cinq jours d’une centaine de jeunes (âgés de 14 à 20 ans) issus de centres sociaux de toute la France. À chaque rencontre, qui a lieu dans des villes différentes, sa thématique (choisi en amont par les premiers concernés), travaillé durant tout le séjour via du théâtre forum, des discussions, des échanges avec des élu.es, etc. Un dispositif qui permet aux jeunes de s’approprier un sujet de société (les inégalités entre les hommes et les femmes, l’écologie, les éducations…), d’apprendre à débattre, de formuler des propositions, etc. mais aussi de rencontrer d’autres jeunes d’horizons et de milieux différents. L’édition 2020 qui portait sur le thème des religions a beaucoup fait parler d’elle quand les participant.es se sont ouvertement opposés à la secrétaire d’État chargée de la jeunesse et de l’engagement, Sarah El Haïry. Voir mon article sur le sujet…
Retour en 2019, le 19 novembre précisément. Ce jour-là, la FCSF détaille devant des directeur.rices de centres sociaux, des salarié.es de fédérations départementales, des administrateur.rices, etc. le dispositif « Réseaux Jeunes locaux », financé sur une durée de trois ans. L’idée, c’est de démultiplier les rassemblements de jeunes, sur un modèle semblable au national, mais à une échelle départementale, voire régionale. Je suis chargée par la FCSF de documenter l’opération (à travers la rédaction de deux livrets)… sauf que trois mois plus tard la pandémie met un sérieux coup d’arrêt au projet. Même si la plupart des Réseaux Jeunes locaux sont repoussés, certains ont enclenché le processus et quelques uns sont maintenus, y compris en visio, le tout me permettant, en janvier 2021, de publier un bilan d’étape, exposant département par département les initiatives des uns et des autres. Pour chaque territoire, au moins trois interviews sont réalisées.
Peu à peu, la dynamique reprend… et je reprends la route. Cette fois-ci, outre des entretiens téléphoniques par dizaine, de nombreux reportages sont programmés pour assister à la préparation de Réseaux Jeunes locaux puis à l’évènement en lui-même (organisé sur une journée ou un week-end), à des formations d’animateur.rices jeunesse pour les piloter, etc. Fruit de toute cette matière récoltée : la publication début novembre 2022 du livret final, « Les 1000 jours ». 1000 jours durant lesquels il y aura eu 24 territoires engagés, plus de vingt rencontres impliquant 164 animateurs, 1072 jeunes, 206 centres sociaux, de nombreuses thématiques débattues… Une matière d’une grande richesse quand on s’intéresse comme moi à l’engagement, au milieu associatif, à l’innovation sociale… La durée de l’exercice fut également une occasion unique de m’imprégner en profondeur d’un dispositif visant à l’émancipation des jeunes. Et, même si certains écueils demeurent – certains animateur.rices sont remarquables, d’autres moins, les jeunes sont souvent frustrés du peu de portée qu’ont leurs propositions, etc. -, quelque chose se passe durant ces rencontres. Ils/Elles prennent goût au débat, apprennent à argumenter, à écouter, à proposer, se sentent plus légitimes à s’exprimer, à émettre des opinions… Tout au long de ces trois années de terrain, j’ai ainsi recueilli de nombreux témoignages touchants sur l’impact personnel que les Réseaux Jeunes avaient pu avoir…
Trois années et puis s’en va. Il en reste deux publications, de beaux souvenirs, de jolies rencontres… et la certitude que ce type d’initiatives renforce la démocratie et le sentiment d’appartenance à une société !